mercredi 17 octobre 2012

Interview SK: EVOK & DIADEM


SK...J'en avais vus quelques-uns dans mes magazines de provincial fin 90, mais sinon de mes propres yeux jamais, et à vrai dire les noms de leurs membres m'étaient inconnus jusqu'à ce que début 2000 Internet commence à proposer une médiatisation parallèle. Alors dans ma quête de savoir et de remise en ordre des choses, j'ai tapé un brin d'causette avec EVOK et DIADEM. Autant vous dire que ne serait-ce que cette première photo suffirait à me redonner foi dans le graffiti.





Comment était perçu le fait de s'auto-proclamer Rois de l'Argent à l'époque à Paris?

EVOK: Je pense que comme toujours certains ont du le prendre au premier degré, et/ou se dire "putain pour qui ils se prennent avec leur styles en bois". Nous on s'en branlait, regarde les significations de certains blazes et crew : ça valait pas mieux. C'était juste un blaze, un clin d'oeil au fait qu'on s'était rendu compte que c'était le plus gros de notre pratique, basta.

DIADEM : À la base SK voulait dire Serial Killaz. À l’époque on était à peu près les seuls avec les KCA a faire des chromes dans la rue, c’était peut-être un peu prétentieux aux yeux des autres groupes mais il fallait bien un nom qui pète et plus cohérent avec notre activité Chromatique!!!

Pourquoi cette fascination pour le Chrome?

E: C'est d'abord la base à mon avis, et à plusieurs niveaux. Techniquement(du moins à cette époque) le chrome pouvait passer partout. Tu prenais une chrome et une couleur de contour et c'était plié(pratique). Avant c'était chiant sur certains supports, la chrome ne réagissait pas tout le temps bien, et surtout, les contours passaient pas forcément bien. Donc fallait taper des Buntlack, Auto-K, Belton ou des "Goudron" pour être peinard(le pouvoir de recouvrement n'était pas aussi facile que maintenant, sans parler des caps). Je me souviens, fin des années 80, début 90's, j'étais allé à la Goutte d'Or: BOXER "animait" un espace pour les jeunes. Je me rappelle de ce qu'il m'avait dit: "Au début tu dois faire que du chrome. Du chrome, du chrome et encore du chrome. Après quand tu auras acquis la technique du chrome, plus rien ne sera un problème pour peindre". Je ne dis pas que j'ai suivis ça à la lettre, mais avec le recul j'ai constaté(toujours par rapport aux contraintes techniques de l'époque) que c'était pas faux. En tous cas, j'aimais bien cette réflexion.

D: Pour ma part le chrome est la base du vandale, plus jeune je voyais des blocks de BANDO, SHOE...Plus tard SHEST, RENO, NISE...c’est vraiment ce qui ma attiré dans ce milieu et ce qui me faisait le kiffer. Aujourd'hui encore je m’extasie plus sur un chrome même d’un graffeur que je n’aime pas avec des lettrages asymétriques, un contour qui coule, que sur une couleur nette et sans bavures. Le chrome reste la manière la plus efficace de se faire connaitre lisiblement aux yeux des passants et des autres graffeurs.

Est-ce que BOXER, comme d’autres pionniers, jouissait d’un statut de demi-dieu?

E: Demi-dieu…à ce point? BOXER est un des pionniers ici, perso, ce sont les premiers tags que je me souviens avoir remarqués avec ceux de SQUAT(que j’avais vu tagguer live en pleine rue(vers 84-85 je crois). J’étais plutôt jeune à cette époque, genre une dizaine d’années…

Parenthèse: je me souviens des rumeurs dans les média, comme quoi «ces graffiti» n'étaient autres que des marquages de gitans pour de futurs cambriolages(ah ah!). En l’occurrence, ledit code de marquages remonte plus loin historiquement…C'était déjà du grand carnaval dans la presse au niveau du graffiti.

Moi j’ai commencé après, au collège, un an après la sortie du combo Spraycan Art et Subway Art(vers 86). Le père d’ATOMTWO avait rapporté les deux bouquins de NYC. ATOMTWO a apporté Subway Art au bahut: ça m’a retourné le cerveau. Premières années à trainer dans la rue…premiers tags. Moi je me foutais des maths et du reste, mon but dans la vie c'était de faire des logos. Quand j’ai vu ce livre, et capté qu’on pouvait avoir l’idée de trouver un nom et de le dessiner pour ensuite le propager(avant le web du coup)…je me suis dit «bingo», voilà!

Pour revenir à la question, «BOXER un demi-dieu», non(le terme est un peu fort), mais une figure oui! Un gars respectable avec un vrai tag, un vrai style, et une présence de ouf.
DONDI, CASE2, LEE, et putain SKEME quoi…merde! Ça, ça m’a vraiment fait halluciner(et c’était complémentaire avec les murs de MODE qu’on a vu proliférer au début des 90’s ici)!






Comment avez-vous vécu votre «retraite» jusqu’à votre «retour»? J’ai l’impression que pas mal d’anciens connaissent une seconde carrière grâce à FB et aux livres comme Descente Interdite.

E: Simplement, la vie quoi.

Quand j’étais «jeune» je me disais que la vie c’était le graffiti, que les gens ne savaient pas ce qu’on pouvait ressentir, que je peindrais jusqu’à 70ans…Et puis, tu commences à bosser, les responsabilités de la vie, le temps, etc. J’ai pas arrêté pour autre chose que ça: des responsabilités. Vivre du graffiti n’a jamais été mon but non plus comme certains qui continuent et essaient de vivre de ça. Quand je dis «arrêter» c’est «ne plus maintenir un rythme», ne plus être dans la course.

Il y a un manque oui…ça c’est certain…mais on compense avec d’autres choses. Et tu as toujours un œil ouvert quand tu es sur le terrain. J’ai pris autant de plaisir avec mes dernières peintures, que j’ai d’ailleurs faites en solo pour la plupart(murs à Berlin, PC à Paris, rails, etc.), même si le rythme était d’une par an(par exemple).

C’est ça l’essentiel au final non?

Aujourd’hui? Pas de retour à proprement parler, plus une peinture «annuelle» de plus, et peut-être pas solo oui.

«Don’t call it a come back»

D:Je ne pense pas vraiment être à la retraite, il est vrai que depuis 1997 le rythme des cessions avait considérablement baissé pour devenir quasi-nul en 2000, nos vies familiales et professionnelles ayant pris le dessus sur notre activité «d’artistes de rues». Ce qui me faisait le plus kiffer était les sessions à deux minimum sur des plans tels que tunnels, voies ou rues à l’époque c’était quand même plus compliqué ne serait ce que pour trouver des endroits pour peindre ou pour taper des bombes le résultat qui en découlait étais très satisfaisant voir jouissif compte-tenu des embuches. J’ai fait des plans tout seul mais je préfère quand même peindre en groupe c’est une autre ambiance et c’est plus ça qui me manque par rapport à cette période. Aujourd’hui pas de comeback mais quelques peintures entre amis. Quant à FaceBook je considère ça plus comme un press- book virtuel nous permettant de poster des images rares pour ce qui est de certaines d'entre elles et de les partager avec des gars qui ne nous connaissaient peut-être pas forcément.










Comment cette quête d'une couleur quasi-exclusive, le Chrome, se déroulait-elle? Les racks étaient-ils assez fréquemment remplis pour votre satisfaire votre appétit?

E: Oui assez, faut dire qu'on passait pas mal de temps à faire la tournée des plans. Un des plus cool(avant que ça soit trop grillé) était ce grand magasin situé à Hôtel de Ville. Là y'avait des Aspect Chrome(le bonheur): on arrivait et on prenait tout le stock. Celles-là elles défonçaient, c'étaient comme un miroir. Et puis vint le jour où l'un d'entre nous a été béni: permis de conduire, là c'est devenu n'importe quoi. On partait évidemment hors de Paris dans tous les shops(et là y'avait de la Belton!)

Existait-il un règlement interne qui interdisait aux membres d'utiliser une autre couleur de remplissage?

E: Ah ah! Non! Et tu sais bien qu'on ne faisait pas que du chrome.






Une question que je pose souvent à propos du chrome: voit-on sa vie dedans?

E: Et bien, après coup, en ressortant les archives, on peut dire que oui, d'une certaine manière.

15 années ont passé. Portez-vous un regard lointain et détaché ou était-ce hier et avez vous le blues?

Cf réponse précédente pour moi(EVOK)

Noir, rouge, bleu, vert, le contour a-t'il une importance et une signification?

E: Encore une fois ce sont des combinaisons de base, y'a pas de secret, le noir était par défaut une des couleurs de contours logiques pour un chrome. La combinaison contours rouge est une base aussi(nickel avec remplissage blanc aussi). Mais ça c'est pas une touche perso, tout le monde le faisait et le fait encore. Le chrome/contours noirs/doubles  contours bleu par contre, c'était un peu notre signature récurrente, oui.

D: je pense que le chrome peut se combiner avec tout. De toutes façons je peignais-trop- vite, et je ne laissais jamais le temps au chrome de sécher. Du coup, mes contour étaient toujours un peu crades et transparents...quelle qu’en soit la couleur.






DIADEM dis-m’en plus sur ton nom et sa signification. Autant EVOK faut pas chercher midi à quatorze heures, autant DIADEM on s’demande. Et puis d’un point de vue nombre de lettres et difficulté à les enchaîner c’est pas les plus faciles! I’a une histoire qui va avec? Une genèse magnifique?






Aucune signification particulière, simplement à mes débuts je posais DEAONE et un jour en faisant des extérieur en station avec DONER (SDC-357MP) et d’autres gars j’ai vu des guettas de DEANER et plus tard avec Fléo (LCA-SK) un graff de DEALITE sur la petite ceinture je crois, je me suis dit que je ne pourrai pas me démarqué avec un blaze pareil. J’ai donc décidé de reprendre mon premier geta STEN mais je ne trouvais pas ça terrible. Un soir en griffonnant des feuilles j’ai trouvé DIADEM. C’est vrai que les lettres n’étaient pas faciles à assembler mais je m’y suit fait. 

Désolé pour la genèse magnifique !!!






Mon blog porte son nom pour une raison simple: au-delà du cap d’origine point de salut(excepté le fat-cap Décap’Four mais alors uniquement quand les contraintes l’exigent pour le remplissage). Pour parler de toutes ces conneries de caps de bomb-shops je n’aurais que cette citation: «Tu fais un amalgame entre la coquetterie et la classe»  du  grand philosophe Georges Abitbol. Vous avez quatre heures. À vos copies.

E: On en parlait pas plus tard qu’hier avec WEISS, DIADEM et SPIRAL.

On a tous du rab dans les placards mais on parlait des bombes et des trucs de maintenant (sans être des vieux cons, mais presque). En fait, je disais que je prévoyais pas de me coller un skinny ou autre merde sur mes bombes pour un futur chrome, que ça me gonflait «d’attendre» que la peinture sorte. Cette putain de mollesse et lenteur de ces caps. Ce flot mou, c’est de la merde. Ok c’est cool ton truc est propre: super. Mate les BANDO et autres gars, ils avaient des skinnys? Ça rejoint ce que je disais à propos de mon entrevue avec BOXER et ce que lui conseillait(commencer par du chrome).

C’est très bien tout ces trucs, et tant mieux pour tous(on a connu les skinnys etc. faut pas mentir). Mais avec le recul je m’en branle. C’est pas ça qui rend ton lettrage beau. Demain si je dois faire un chrome avec du cap d’origine, je suis content, je m’en tape. Tu te vois dire «merde j’ai pas de caps, j’annule»? Ah ah! Laisse moi rire.

Tout ça a atteint un level!..Les Fanzines sont devenus des magazines de ouf, les caps skinny etc. sont déjà sur la bombe(vivement l’Iphone qui trace tout seul ton truc via vidéo-projection), les beubons j’en parle même pas…et surtout, ô magie, le numérique: les gars peignent pour faire une tof et la balancer sur le web(!) Autant rester chez toi et poster tes dessins sur Facebook!

Que leur truc reste 22minutes, c’est pas grave, ils posteront sur le net. Le graff existe. Mais c’est de la merde ça sérieux…
C’est arrivé à TOONS il y a peu: le gars repassait un bout de son truc frais de la veille et lui sort «T’as la photo non?»!

Le truc c’est qu’avec le recul c’était marrant d’aller taper les Décap’Four dans le placard et au supermarché pour avoir un fatcap, mais ça c’est juste une anecdote qu’on a tous (parce qu’au final on avait un fatcap comme ceux de maintenant en shop). Y’avait aussi la phase de foutre une aiguille de seringue au bout des caps pour faire skinny. BANGA(entre autres) se servait de cette technique il me semble…

Bref, faut vivre avec son temps aussi….On va faire quoi? Punir les gens qui peignent aujourd’hui?

Pour nous, «au début» de notre période c’était encore comme ça, c’est tout: les Décap’Four, les Krylon, les Buntlack, les Auto-K, Belton, Julien Décor, la Corio de Belleville, le bleu de méthylène en poudre, la bricole pour changer les mèches des quinzes, etc…Mes premières bombes elles avaient des caps femelles, c’est pour dire.

Bref, pour revenir au trait proprement parler:

Passer 6 heures à foutre de la couleur dans tous les sens ça me gonflerait encore aujourd’hui, et je mate pas trop ce genre de pièces même si j'apprécie le travail fourni sur certains murs. Mais je kiffe plus le spectaculaire: le taff exécuté avec risque, le travail pensé dans un contexte qui ne laisse pas de temps. J’ai «plus» de respect pour un mec qui grimpe faire un toit en chrome, un tromé, un train, des voies, des tunnels, une rue…Et puis ça fait plus partie du paysage urbain…Les «murs» tu dois aller les voir dans les «terrains»(ou dans les mags et sur le web ahah !), tandis que les tunnels, les voies etc. c’est du «tous les jours».

Je suis content d’avoir vécu l’époque de gars comme SHEST.

Le mec utilisait le contexte, le support et lâchait ce qu’est l’essence même de la lettre: de la typo pure, dure et parfaite. Un gars comme ça, c’est ce qui me manque le plus dans ce que je vois aujourd'hui(dans mes trajets). Quand je remate les tofs que j’ai shootées des pièces qu’il a faites…putain, merde, ça n’a pas vieilli. Ça serait fait maintenant, j'apprécierai autant.

Beaucoup de pièces des années 70-80(sur métro/NYC) me faisaient penser à des pubs, ça vient de là finalement, un visuel accompagné ou composant un mot, un nom…Donc arriver à maitriser la lettre à l’état pur(typographique), sans artifices…ça devrait pas être ça le graffiti en fin de compte?

En design on dit toujours «ce qui est le plus simple visuellement est le plus dur à réaliser», je pense que c’est juste.

(Apres la philosophie d’Abitbol évidemment)

D: J’ai pratiquement fait toutes mes peintures, du moins jusqu’en 95/96, au cap d’origine et au décap’, à l’époque ils étaient dispos sur les bombes du même nom, je me souviens même d’un Monoprix de mon quartier ou nous allions tous les deux jours pour y prendre leurs bombes de peinture noir et blanche qui étaient en fait des KRYLON. On y dévalisait les Décap’Four. Un jour on y est allé avec DEVIZ je crois, le vigile nous regarde avec un sourire en coin en nous montrant avec ces yeux la vitrine d’alcool: il y avait mis les bombes de peinture et les Décap’Four...«encore un plan de cramé!!!». Le problème quand un plan était bon c'est qu'on ne savait pas s’arrêter donc à un moment ça devenait compliqué, donc on essayait de faire des "plans payés"(déco de magasins, etc.). La peinture était fournie(on en grattait plus que ce qui était nécessaire). Là on a découvert ce qui allait avec cette notion d'achat, de "légal": les skinny avec lequels les contours étaient quand même un peu plus propres.

Ceci dit je me souviens que c'était pas ouf encore à cette époque: les caps se bouchaient vite et leurs débit était quand même très lent. C'était donc à l'opposé de ce qu'on cherchait pour des plans vandales tels que les "pleine rue" ou des périphs, etc. Là tu dois aller vite...Donc les skinny, non merci !

Pas d’amalgame :
*La coquetterie c’est une belle couleur bien propre dans un terrain à l’abri des regards
*La classe c’est un chrome un peu crade rempli à l’arrache sur l’Avenue de l’Opéra !!!








Merci pour le temps que tu nous as offert et bonne continuation.

Dédicaces(DIADEM): à PAPA, NEPSO & MARKUS: que vos âmes reposent en paix et que Le Seigneur veille sur vous.

BDB, RESA, DEVIZ, COCO, IDIR, FLEO, 1DEAS, WEISS, EMA, FORM, TOONS, DONER, JAY SMITH, STRS, HOBSAY, Dino-Steuko , AYE, SKIZO, WOODY, JACK2, SMO, DAO, APNE, NOISE, DOEN, SEN.C, EXPER, EAS, TORE, SPIRAL, LEGZ, ATOMTWO, ASTRE, VIDDA NEDIA, WILLCO, LE 13E, LE 18E, LES 4CH, SAC, TGA, TSM, KCA, LCA, VAD, MFC…Ma Famille et tous ceux que j’ai côtoyé ou affronté qui m’ont fait aimé le graffiti PEACE!!!





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