samedi 31 juillet 2010

Brick City





Je me suis dit que le Duke de la porte est peut-être de 1992...quand les Blue Devils de Duke, l'équipe de basket-ball universitaire de l'époque avait été championne, avec Christian Laetner (qui sera sélectionné aux Jeux Olympiques de Barcelone, préféré à Shaquille O'Neal, leurs carrières respectives montreront la grosseur de l'erreur). La médiatisation de Duke et Michigan(avec Chris Webber, Jalen Rose, et le fameux Starter bleu-jaune mortel avec le gros "M", ou le short que pas mal de monde avait à Rostand...)date de cette époque, donc à préciser.


The Blue Devil

Il y a les mecs qui aiment bien le graffiti. Qui en font le week-end, non sans avoir préparé leur esquisse un soir de semaine, quand il n'y avait rien à la télé.

Il y a les mecs qui aiment vraiment bien le graffiti, qui passent leurs journées à péta des sprays, à traquer la photo de leur action de la veille et à checker les dépôts pour préparer celle du soir.

Et il y a les mecs qui aiment trop le graffiti. De manière obsessive, problématique.

Ceci n'est pas un classement dans l'ordre croissant du mérite, de la fame et de l'accès au statut de King. Juste une catégorisation de l'emprise d'une passion dans le cerveau d'un individu.

J'ai parcouru des centaines, des milliers de kilomètres pour archiver le moindre tag, appareils jetables Kodak 36 poses péta par lots de 3 à Inno à la fin des années 90 dans la poche.

Remontant la molette avec frénésie comme on remonte le temps.

Puis petit à petit, mois après mois je trouvais de moins en moins de "spots", tel un archéologue qui creuse le sol et le frotte délicatement avec son pinceau, je défrichais, arrachais le lierre, enjambais des grilles qui n'étaient pas là avant pour vérifier qu'un tag ne dormait pas au fond d'une ruelle depuis 10 ou 20 ans. Dans l'attente d'une deuxième vie.

Hier je pars de chez moi, et comme chaque jour j'ai le choix entre deux itinéraires pour rejoindre le centre-ville. Je bifurque au dernier moment pour prendre une rue dans laquelle un chantier de démolition a pris place depuis quelques jours. J'étais passé en voiture la veille, et ma petite-amie m'avait suggéré d'aller prendre des photos, impressionnée par la grandeur du chantier et la beauté de la scène.

Je tourne donc dans cette rue, cassant mon habituel chemin. J'avance dans la rue et vois une entrée du chantier, la plus petite, d'un côté de ce qui forme un U à l'envers par rapport au trottoir(compréhensible?).

Je fais quelques pas, tourne dans le chantier désert pour cause de pause-déj'. Je ne vois rien, ne flaire rien. Je repars déçu, même si je fondais peu d'espoir dans la découverte éventuelle de tags, en effet j'étais plus venu pour la taille gigantesque des murs de briques, s'élevant sur plus de 6 étages, d'un bloc massif, large, et sûrement plus que centenaire.

En arrivant près du porche je suis immédiatement attiré par ce qu'il reste d'un tag rouge. Mon disque dur tourne en un milliardième de seconde, et je reconnais un Enzo en vertical, avec son "Z" à volutes.

Enzo c'est le premier nom qui m'ait apparu quand j'avais 6 ou 8 ans, au milieu des années 80. Quand je n'étais qu'un enfant interrogatif sur tous ces dessins en couleurs Place Caulier, le dimanche matin, jour du marché, ou dans Saint-Maurice Pellevoisin.

Je m'empresse donc de le prendre en photo. Je décide de pousser plus loin les recherches, et de m'aventurer dans ce qui semble être une maison de courée, abandonnée depuis des lustres, si je me fie au papier-peint et à l'état du sol dès l'entrée. Je fais un rapide tour des 20m carrés, tente de prendre quelques photos d'ambiance, mais sans succès, trop peu de lumière, et pas assez de composition intéressante. Je vois un bloc-électrique neuf, et le mystère de cette maison commence à s'épaissir.

Et là, en me dirigeant vers la porte, déflagration, comme une patate de Tyson à l'époque, un tag Duke bleu pétant, au cap biseauté maison, m'emmène en 1988, en aller-simple, à la vitesse de la lumière. La lumière qui passe dans l'interstice de la porte, la même.

Je vois directement deux autres tags, plus petits au marqueur, mon disque dur analyse, Spek et Beck, bête de style de l'époque, peut-être même plus vieux que le Duke. Je m'accroupis, prends une photo, et me relève.

Je scrute la porte de près, étudie les styles.

Le Spek et le Beck sont typiques du style des années 87-88, avec ces "E", ce "C", ces "K", immédiatement identifiables. Maniement expert du marqueur.

Puis je m'attarde sur le Duke, c'est le même bleu, certainement un True Blue Krylon. Le même que les tags Duke-Sock du fameux mur de Saint Maur fin 90, où tout le gratin était réuni, mais aussi que le Sock près de la caserne militaire, dont on voit encore le spectre grâce au nettoyage à l'hydro-gommeuse qui l'a ancré à vie dans la pierre. Je commence à imaginer le trajet, me fais des films sur la présence des intéressés ici, échafaude toutes sortes d'hypothèses.

Je vérifie si d'autres tags traînent dans la maison, mais rien, impossible d'aller à l'étage, puisqu'il n'y a tout simplement pas d'escalier. Je regarde encore la porte, tellement heureux de ma découverte, et constate qu'elle n'est pas très solide pour une porte d'entrée. Un porte de bois léger, 2 panneaux avec alvéoles.

Je ressors, regarde les fenêtres, neuves, double-vitrage, les briques ont été nettoyées, la façade ne pouvait laisser présager un tel trésor.

Je commence à me demander si cette porte était vraiment là à l'époque de sa "vandalisation"...ou si elle n'est pas une pièce rapportée, placée là pour je ne sais quelle raison.

Puis je finis par me dire que cette porte va devenir poussière, arrachée vulgairement, compactée et broyée dans une benne. Disparue, avec ces 4 pièces d'Histoire du graffiti lillois.

Impossible pour moi d'imaginer pareil destin.

Hop, je la saisis, tente de l'enlever, n'y arrive pas, je suis dans l'optique d'arracher tout le montant avec quand elle glisse comme par magie hors de ses gonds.

Quelques remords me taquinent, une petite voix me chuchotant "haaaaaaaaaaan quel blasphème de dépayser ses tags!", vite balayés par le fait qu'ils allaient à coup sûr disparaître.

Je pars avec la porte, à pas de loup, et la ramène à mon domicile. Je suis déjà en train d'imaginer la réaction d'effroi de ma concubine, horrifiée par cette porte pourrie trônant dans notre appartement.

Mais merde, quelle pièce! 4 tags qui m'ont construit dans ma passion, 4 noms parmi ceux que je considère comme les Kings de Lille! Cela vaut toutes les engueulades...

Moi qui bavais à la vue de ces photos la veille, pleines de Sleek, Aspik, Pones, Ters, Haker, et autres fat-cappeurs acharnés des années 90...et qui ruminais, larmoyant, "j'en verrais plus jamais..."

Le Destin m'avait entendu, et m'avait fait marcher vers cette porte.


Duke est l'un des mes tags préférés, une énergie sans pareil, des lettres originales, exécutées avec violence et rapidité, calibrées, on sent le coup de poignet à la lecture des 4 lettres. On est embarqué dans le mouvement, on vit le tag comme s'il était bombé en direct. Enfin je le vis, mais je sais que d'autres aussi, mes compères avec qui nous nous extasions sur le Ogre rue Meurin, un alias de Duke, ou sur le Diabl rue Gambetta...
Je n'ai vu que deux graffs de Duke dans ma vie, ce mec-là, comme tant d'autres à l'époque, c'était tout pour le tag, rien qu'pour le tag. Et puis ce cap coupé au cutter...Il est dans l'thème le bonhomme pour figurer en belle place ici!!!

Mais trêve de poésie, la voici cette porte.




Ce "S" qui pars du bas(vérification faite), l'enchaînement "b-e" avec l'oeil dans le "e", ce "D" tordu, ces "E" en 3 à l'envers...

Pfffffffffffffffffffff même seul dans ce délire je savoure...

Je préfère mille fois avoir cette infime trace de l'Histoire lilloise, qu'une toile de Seen ou de je ne sais quel old-schooleur valant des dizaines de milliers d'euros.

C'est MON Histoire.

vendredi 23 juillet 2010

Elvis FH

Inauguration d'une nouvelle rubrique avec Elvis FH, qu'on pourrait intituler "Ma vie, Mon oeuvre", mais qu'on appellera "10 photos".

Roubaix, 2009:
Bonne ambiance de quartier avec les enfants dans un "terrain de basket" du Pile.
Graffiti réalisé en commun, nous avons acquis l'art du travail collectif en vandal comme en légal!
Dans la foulée, nous nous sommes vu proposer deux camions à peindre.

Que demander de mieux?

Paris, 2006:
Peinture solo, question fondamentale: celle du support.
Terrain vague vierge. Relativement rare.
Très certainement le genre de spot que je préfère.
Lettrage "tampon". J'aime ce qui est simple, lisible et donc efficace.
J'aime penser que le graffiti est une discipline où les plus forts ne sont pas forcément les meilleurs.
Une langue étrangère.Un moyen de faire vieillir, de démoder les murs.

Valencia, 2004:
Ambiance totalement espagnole! La vraie, pas celle de Barça...Valencia est une vierge.
Dans le normal, pleine rue, peinture vandale, quartier Del Carmen. Pose de barrières trainant dans la rue, je me met à l'aise, SanMiguel bien fraiche, personne ne m'emmerde, au contraire sur la fin on me propose boutiques et petits murs de quartiers à peindre! J'y suis resté 6 mois. Croisé Ipone par pur hasard dans un cybercafé de pakis'.
Bons souvenirs!


Berlin, 2010:
Nouvel an, il faisait un froid de malade, pieds trempés et mains gelées.
peinture express et bataille de boules de neige avec la Polizei.
Ville énorme tant par sa taille que par son impact dans nos mémoires.
Wir sind zurück!


Tokyo, 2009:
Graffiti-coop, tracé par Ipone.
20h30, Shibuya station, ligne JR-Yamanote (http://www.treehugger.com/tokyo-metro-map-large.gif)au bord du Nike park (http://www.youtube.com/watch?v=DRo6Hedpeew)
Peinture ultra-express, pas le droit à l'erreur au Japon surtout quand le vol retour est pour le lendemain!
Entre autres, Adek et BNE m'ont choqué!


Voie Férée 1, 2009:
Ambiance relax, pièces couleur sur VF remplie de chromes, ça saute plus aux yeux même si on ne voit rien en passant devant en train!
C'est plus vraiment cela qui me motive. Je fait de mon mieux pour faire du bon travail. Je n'aime pas ce qui est baclé.
Je suis rigoureux. J' aime le graffiti, dans sa version classique.
Aujourd'hui, le graffiti (surtout à Lille) est mort, dans son âme et dans son fonctionnement: des maitres, des élèves respectueux
qui connaissent tout par coeur, et des incultes qui trouvent ça moche ou joli sans savoir.
En fait, nous faisons du graffiti généreux.


Voie férée 2, 2005:
Réalisé en 2 étapes. Deux nuits d'hiver de pluie battante. Peinture Seigneurie.
Soirée 1: esquisse et pose de la peinture au rouleau.
Soirée 2: contours et finitions.
J'ai toujours aimé les lettrages rocheux, rigides: ça donne du poids, c'est stable.
Malheureusement ou pas, j'ai jamais vraiment réussi à m'éloigner de cette tendance.


jeudi 22 juillet 2010

Précisions

Les commentaires sont maintenant ouverts aux personnes ne possédant pas de compte Google ou autres, donc toutes les précisions, avis, suggestions, sont les bienvenus!

lundi 19 juillet 2010

Lille-Ieper-Lille






Ici on fait 80km en vélo, pour un seul tag au final, un Edge, comme d'hab. 80km de superbes maisons flamandes, de plaques émaillées, de Lys, de vaches, de chevaux, de lapins, de champs à perte de vue. On est pas dans le consumérisme graffitesque. On est dans la vie, la vraie, et pas celle des Mulliez.

Superbe monument à la mémoire des soldats anglais à Ypres, un arc-de-triomphe imposant, lumineux, calme.

vendredi 16 juillet 2010

vendredi 9 juillet 2010

En bref

Les Duke: http://capdorigine.blogspot.com/2010/05/heureux-que-quelques-jours-dans-lannee.html ont sauté...repeint d'un coup comme ça, 20 ans après, et quelques jours après mon passage et leur "découverte". Chance!

Monsieur Jean Ters de Sainghain-en-Weppes, nous indique par courrier que Leon n'est autre qu'un alias de Skar, tout comme Psome, et que les 2KEF étaient composés de Skar et Stay, puis ils sont devenus 3KEF pour 3 Kartonneurs Eklektik Force suite à l'intronisation de Ters.

Toute personne se rendant sur les lieux des photos présentées ici sera entièrement responsable en cas de viol par des homosexuels torse-nus courant partout caméra à la main, de crevaison de pneumatiques de vélo pour cause de verre pilé sur le sol, de frôlage de mort durant une traversée de rocade en pleine journée, et de tout autre désagréments entraînant le décés ou des blessures irrémédiables sur la sus-dite personne.

jeudi 8 juillet 2010

Interview Scar

J'disais à chaque fois à un pote, que j'voyais une fois par an, "tu verras qui sera encore là dans 5 ans"... Eh ben Scar est encore là.





Premier déclic?

Franchement je ne me rappelle plus. Quant j'étais plus jeune (1995) je m'étais procuré une bombe et j'avais dessiné une bombe de peinture avec, je ne sais pas si c'était mon premier declic mais ça y ressemble...Ensuite je faisais quelques tags à droite à gauche, mais sans avoir de nom "officiel" et sans vraiment m'investir, ce n'est que vers 1998 que j'ai commencé a peindre.

L'ambiance à tes débuts? Les murs, la ville, la musique...

Il y a 10ans l'ambiance à Lille était différente, et "Stop Graff" n'existait pas. Lille était déchirée de partout, avec des blases comme Aspik, Pones, Fie et Aren, Keyz, etc. Avec des wholecars Acro en Gare de Lille. Isham et Hipy faisaient des putains de pièces ensemble, et j'en passe, bref c'était la bonne époque.

Près de 15 ans après, pourquoi es-tu encore là? A écrire ton nom à droite à gauche?

Pour l'amour du graffiti surement et quand tu as commencé c'est dur de s'arrêter. Au début je faisait pas trop de Scar, j'étais avec les DNK et on faisait plus de gros graffs que peindre nos blazes. Les bombes étaient moins accessibles et je trouvais mes lettres compliquées, tellement compliquées que j'ai changé pour faire HOBI, des lettres plus simples, et c'est à cette époque que je bougeais beaucoup avec Neko. J'ai arrêté quelques années, ce n'est que vers 2006 que j'ai commencé à refaire des Scar et depuis je peins régulièrement.

Ps: petite déd' à mon pote WK qui a participé souvent et sans peindre à mes petites sorties nocturnes..!



Qu'est-ce qui a construit et affiné ton style, ta manière d'aborder le graffiti, de te poser?

J'aime le style d'avant et les lettres lisibles. Avant d'allez peindre je sketche un peu, enfin ça dépend car je me répète beaucoup, mais je fais ce que j'aime, ensuite le style s'affine avec le temps, mais ça c'est logique. Après j'aborde le graff avec discrétion, les endroits que je fais sont généralement tranquille et calculés.

Ton avis sur cette secte mystérieuse, dédiée au cap d'origine?

Je savais pas que c'était une secte!!! Et ce mot me fait un peu flipper. Mais j'approuve le fait que tu sauvegardes le "patrimoine" lillois et j'aime beaucoup ta démarche.



Est-ce que tu te sens en compétition avec les autres?

Non, en compétition faut toujours aller plus vite, plus haut, en faire toujours plus que les autres. A une époque on était sûrement comme ça, mais maintenant je recherche plus les plans tranquilles. En tout cas s'il y avait un classement, je ne serais sûrement pas dans les premiers.

Que penses-tu des bombes actuelles, de leur caractéristiques, par rapport aux bombes non-graffiti?

Je peins souvent avec des bombes non-graffiti, mais je m'en sers plus pour faire les fonds ou des petits détails. Je trouve qu'elles sont bien pour tagguer, mais j'ai toujours peur de chier mon graff avec.
Tu bouges quasi-toujours tout seul, choix ou aléas de la vie?
En général je suis accompagné, mais j'aime bouger tout seul ça me laisse le temps de faire mon truc.

Tu te vois encore sortir à 60 ans poser un chrome si un spot te plaît?(c'est jamais qu'dans 30 ans, ça va vite..!)

60 ans c'est abusé quand même, franchement je ne sais pas combien de temps je vais continuer a peindre.

Il y a une phrase qui dit: "C 'est dans la creativité qu'on oublie son mal"