Interview COMER

Tu viens de sortir un livre énorme, tu as du voir des dizaines de milliers de photos...Ressens-tu un rejet pour le graffiti?

Non bien au contraire, c'est plutôt le genre de truc à te motiver pour aller tout déchirer! Malheureusement avec un tel projet, le temps manque terriblement...

Comment s'est opéré le choix? Vous étiez plusieurs?

Le choix à mon sens a été l'une des parties les plus compliquées à gérer, vues les tonnes de photos que j'avais, que j'ai amassé ou récolté au fur et à mesure des années...

Pour ce faire, le graphiste(issu aussi du graffiti) m'a épaulé, mais la quasi-totalité du temps la décision m'appartenait et j'ai essayé vraiment tant bien que mal de ne pas juger, de ne pas prendre partie sur tel ou tel photo, sur tel ou tel graff, de ne pas mettre ce que moi j'aime...Le but de l'ouvrage étant de représenter un maximum d'acteur du mouv, ceux qui ont fait bouger un temps soit peu les choses, de mettre un maximum d'inédit(difficile de nos jours avec Internet) et surtout "d'éviter" d'en oublier. Rester le plus "objectif" possible pour ne pas reproduire les maintes et maintes bouquins de copinage qui se sont fait, c'était ça la vraie tâche !

J'ai donc choisi en fonction de ce que j'avais, de ce qu'on voulait bien me laisser, de ce que j'voyais...Souvent un choix par élimination...J'ai aussi parfois fait des focus sur des gens ou des groupes qui à mon sens méritent, mais qui n'apparaissaient ou n'étaient cités que rarement : j'pense notamment à SKEZ, SHEED 16, ALIZ, NOSER, MACK, DARK, ZEPHYR, TOGZ, ZEON, les NKA, les DKC, les ASA, les BFK...la liste est longue...Là ou j'me suis le plus éclaté et cela se ressent, c'est pour la partie old school ;-)

Avais-tu une wanted-liste que tu cochais au fur et à mesure?

Absolument pas...Une liste de nom se trouve à la fin de l'ouvrage, mais c'est des noms que j'inscrit depuis des années sur différents calepins, noms que j'ai vu, ou noms dont on m'a parlé. Elle ne m'a absolument pas servi pour aménager les pages. En même temps, ça faisait presque 10 piges que je préparais ce livre(avec des hauts et des bas) et les photos à force je les connaissait presque par coeur. Quand tu es impliqué dans un tel projet et d'autant plus passionné par ce que tu fais, t'arrives presque à savoir à quel page t'as mis telle et telle personne, ou si une photo ou un nom manque. Bon après on est des humains pas des machines, donc il était clair qu'on allait en oublier et des fois parfois mêmes les plus grands!

Quelles ont-été les meilleures surprises?

Certaines photos de la partie old-school et les archives de la RATP lorsque je suis parti les voir au tout début du projet(97, 98), dont le metro de MODE et BANDO, et certaines autres pièces qui se ont circulé sur le net bien plus tard.

Il y a des pièces que tu recherchais particulièrement? Des raretés dont t'avais entendu parler mais jamais vues? Ou ne les as-tu toujours pas vues?

I'a une ou deux photos que je cherchais en particulier, mais plus pour mon égo car elles me concernent, c'est la photo de mon premier graff en 87 au Bourget(un ACS fait sur le grand mur à l'époque encore vierge du KEA-J.LEE énorme). Je ne l'ai jamais trouvé, mais je ne perds pas espoir...

Après d'un aspect plus général, ce sont les photos des premiers métros cartonnés, qu'on à pu apercevoir sur certains vinyles ou magazines d'époque comme le "JOYEUX NOEL" de DEE NASTY en décembre 84 ou encore les wagons des 2PC de 85...

Ça a été chose relativement rapide finalement à obtenir. Puis les premières pièces, celles dont on me parlait lorsque je faisais des interviews(les premiers graffs de Stalingrad, ceux du Louvre et de Beaubourg). Là ça s'est fait sur la longueur, mais i'a encore des pièces que je n'ai pas déniché ;-) en continuant la récolte pour un éventuel autre projet.

Avais-tu toi-même un stock perso important? Es-tu du genre à prendre tout ce que tu croises?

J'ai commencé à prendre des photos sérieusement à partir de 95, d'une car un larcin m'a permit d'avoir dans les mains un bon appareil et d'autre part car j'avais un pote qui bossait chez KODAK et qui me sortait des "point cadeau" ce qui m'offrait la possibilité de faire des développements à l'oeil. Après les pélicules c'était facile à chourave au jour le jour...Du coup, lorsque je descendais sur les voies prendre mes grafs en photos, je shootais tous ce qu'il y avait autour, même des trucs bateaux. Les photos se sont alors très vite accumulé...

Quelqu'un dit à peu près ceci dans le livre: "A l'époque on se déplaçait pour voir une pièce". Même si je suis jeune j'ai connu ce plaisir de la quête, pour les graffs ou les bombes, aller péta ses appareils, ses pellicules, des Poscas pour les revendre pour payer le développement...Es-tu d'accord qu'une bonne partie du charme du graffiti a disparu?

C'est ce qu'on appelle "l'évolution". Est elle bonne ? Est elle mauvaise ? Une chose est sûre c'est qu'elle a facilité la vie de beaucoup de gens. Aujourd'hui tu n'as même plus besoin de bouger de ton fauteuil pour savoir qui est qui, qui fait quoi...Tu "surfes" sur le net pour repérer ton prochain plan, pour t'inspirer ou même pour acheter ton tosma ! Ça peu apporter du bon, mais effectivement y a plus cette certaine magie et des valeurs qui étaient bonnes à mon époques qui ont disparu.

Parlons matériel maintenant, ne trouves-tu pas que les graffs de l'époque avaient cent fois plus de patate?

J'dirais pas qu'il pétaient plus(parce que bien souvent on n'avait pas un choix fantastique de panel de couleurs), seulement, les graffs perduraient plus dans le temps, ils incrustaient vraiment les murs. Après tout est une question de goût et d'époque, perso je préfère aussi l'ancienne école pour la fluidité des lettres, pour les mélanges de couleurs free-style et de perso, tout en étant archi-lisible.

Sais-tu comment s'est passé le sponsoring d'Altona sur les palissades du Louvre?

A première vue ALTONA à senti le bon filon lorsque Jack Lang à offert aux "peintres" les palissades de Beaubourg et du Louvre. Le graffiti était un truc tout nouveau, qui avait carrément plus la patate que le pochoirisme auquel les Français étaient déjà habitués. De plus pas mal de photographes gravitaient déjà autour des quelques graffeurs qui maitrisaient plus ou moins facilement l'outil(BANDO, LA FORCE ALFA, MEGATON...) Le bon plan était vu, mieux qu'une bonne campagne de pub le sponsoring leur permettait d'être mis en avant sans trop tuer les budget de comm'. La marque a fait les premières démarches et après chacun se battait pour son intérêt en faisant eux-mêmes les démarches auprès d ALTONA(d'ou certaines guerres des toys fut une époque à PARIS)

Quelles étaient les couleurs favorites, les plus rares, celles qui te permettaient de donner une "valeur ajoutée" à un graff?

Perso j'optais souvent pour des couleurs pastels tout simplement car je trouvais ça plus gai, plus attractif. J'ai sur kiffé la vert jade de chez SPARVAR(même si avec du recul c'était un peut de la flotte). J'pense que la couleur que j'ai le plus utilisé s'est la bleu jean de chez KRYLON ou SPRAY COLOR (car elle se mariait facilement avec toutes les autres couleurs que je pouvais taper). Dans le genre bon pigment y avait bien sur les MULTONA et pour les rares chromes que j'ai fait, rien de tel que l'ASPECT CHROME contour BLACKSON ;-)

Ca manque de tags dans le livre, est-ce dû au point que je soulevais plus haut, le coût du développement des photos? Ou était-ce la hiérarchie de l'époque? Pour moi un tag est souvent plus beau qu'un graff. Enfin il me remue plus les tripes.

Au-delà du coût du développement faut se rappeler qu'y avait pas de numérique et qu'on fonctionnait sur 12 voir 24 poses. Donc avant de prendre ta photo autant dire que tu réfléchissais...C'est pas le genre de truc que perso je prenais à l'époque, même s'il m'arrivait de rester des heures à contempler un tag, juste pour comprendre le flow, la fluidité et le style.

Avec le temps j'me suis mis à en prendre car c'est important de garder une trace, car le tag c'est technique quoi qu'on en dise et souvent ça déclasse un bon graff. La plupart de ceux que j'ai passé dans le livre sont des clichés que j'ai récupéré à droite à gauche.

Les dix chansons ou albums pour écouter avec le livre? Toutes époques confondues?

Sur ce point j'suis un peu ancienne école : LL COOL J - TUFF CREW - KING BE - BIG DADDY KANE - ROB BASE... KERY JAMES ou encore NTM ;-)

Comment la RATP a accueilli ta requête en 97? Ca a été facile de leur gratter leur(s) book(s)? Et était-ce le Graal que tu attendais? Genre LES BOOKS?

Contrairement à se qu'on pourrait croire, la RATP a été complètement coopérative...Il fallait simplement un peu d'audace, une bonne accroche et un peu de débrouillardise. Ensuite toutes les portes m'ont été ouvertes. J'ai rencontré les bonnes personnes qui répondaient à mes questions, me donnaient accès à des tas d'archives, me refilaient d'autres contacts et me montraient des photos de dingue de podés, de métros complètement éclatés, de stations déchirées depuis le début des années 80...jusqu'à remonter jusqu'à Auster, où là j'ai décroché car j'ai senti que ça devenait trop délicat étant donné que j'étais un activiste. Le "graal" aurait été que je finisse "cette mission" et que j'ai accès aussi à leurs archives ;-). Ceci dit j'en avais déjà pris beaucoup sans eux et j'étais déjà bien satisfait ;-)

Les pièces que tu cherches encore des premiers terrains? (qui sait mon pote Beck les a peut-être! ou un autre lillois! car beaucoup venaient à Paris)

J'pensais surtout aux photos comme la gare de Garges-Sarcelles qui était éclatée(le big SECT ABDOULAÏ), les graffs d'AERO, la gare de La Défense....Ou certaines premières pièces des BBC(surtout le 1er de SKKI) et les vieux gueutas.

Par rapport aux bombes, aux graffs, à la musique, tu trouves pas qu'il y avait plus "d'attitude" avant? Plus de charisme, de style? (et par style j'entends Style, pas style de lettres, mais Style, Vibe, Flow, Magie)

C'est clair qu'il y avait plus de STYLE(i'a qu'à voir dans la sape), mais en même temps i'avait le HIP HOP ! J'entends par HIP HOP cette culture qui UNISSAIT les différents arts: le chant (rap), la musique (dj et beat boxeur), la danse, le graffiti...A mon goût tout ceci s'est éteint vers 93, lorsque le rap français à pris le dessus sur toutes ces techniques et s'est mis à vendre. Chacun alors s'est mis à faire ses affaires dans son coin, mettant chaque discipline de coté.

3 mecs dont tu aimes particulièrement le style?(toutes époques et lieux confondus)

Sans idolâtrie aucune j'pense que le gueurta qu'i'a tout déclassé toutes époques confondus, c'est COLT !

Comment vois-tu le graffiti actuel? Tu t'intéresses encore à l'actualité "brûlante"?

J'aime pas tout, mais j'trouve qu'il y a des styles intéressants, des techniques de pose plutôt crado mais pas mal réfléchies(j'pense à la perche, à l'extincteur...) Les marques de bombes on développé des bombes basses et hautes pressions(c'qui permet d'être plus à laise avec le matériel selon le support utilisé) Ils ont développé un panelénormes de couleur - si bien qu'aujourd'hui t'as plus besoin de savoir faire un "dégradé", tu l'as directement dans la gamme de bombes. Les "représentants" d'art ou les "opportunistes" s'arrachent les toiles...C'est devenu un vrai business ! Il est seulement dommage que ce ne soient pas les acteurs même du mouv, à qui ça profite le plus ou plus directement ;-)

Concernant l'actualité: j'essaies tant que je peux de me tenir informé de c'qui se passe dans le fitigra, même si ça pas été chose facile durant ces deux dernières années, du fait que je bossais H 24 sur le bouquin.

Pourquoi n'avoir pas plus utilisé le chrome?(vu que tu en parlais dans une réponse..)

Lorsque mes potes et moi avons commencé, mis à par notre pauvre graff effectué la même année(87) et ceux qu'on effectuaient sur nos feuilles de cours, on est resté scotchés au tag pendant pas mal d'années(jusqu'en 91). Tout simplement car c'était plus rapide et à notre sens, plus pratique(car souvent besoin que d'un marqueur ou d'une bombe), plus efficace en terme de "pub". La "pub", faire parler de nous...C'est justement ça qui nous a poussé à taper des grafs "couleurs" plus que le chrome ! Notre ligne(la B nord et D nord me concernant) était massacrée sur tout son long, mais de beaucoup de chromes. Il fallait se différencier, alors on s'est mis à la couleur.

Droit de réponse de Comer à Rap:

C'est vrai qu'historiquement parlant, qu'en termes de qualité, de créativité et de représentation...Ses vidéos(Utimate Video, Urban Vampirz...) sont des exemples sans nom ;-)

Qu'il n'aime pas l'ouvrage, lui-même le dit : c'est une appréciation personnelle qui n'appartient qu'a lui - et elle est respectable tant que celle-ci est donnée de façon positive avec intelligence.

Comme je l'ai dit sur un autre forum, ce qui me dérange le plus c'est la "forme". Effectivement on est loin d'être des potes, mais on se connait et on a jamais eu de différents entre nous, donc j'm'attendais à une intervention de sa part plus respectueuse.

Perso si je n'aime pas, je dis que je n'aime pas et j'argumente. C'est le genre de truc qu'on apprend aux enfants petit : "tu dis que tu n'aimes pas, mais pas c'est pas bon"...J'me permet pas de dire que "c'est de la merde"(ce qui revient à peu de chose à m'insulter directement, ce que je n'accepte pas)

Pour moi son intervention telle qu'elle est sent la haine, la jalousie voir l'aigritude...A moins que ça soit une façon de se faire du buzz faute d'autre chose.

Mais bon, comme le disait un célèbre générique "il faut de tout pour faire un monde" et heureusement qu'on est tous différents, qu'on a pas tous la même approche des choses, car ça en deviendrait assez fade !