Je livre en pâture à votre critique 3 interviews d'un coup, RCF1, SABRE et SLICE, pour montrer comme tenter d'obtenir "de la matière" via mails est difficile...Et au bon vouloir de l'interviewé! Certaines de mes questions n'ont pas de réponse, relancer les gens encore et encore m'énerve, je ne cours pas après du référencement ou des noms hypes, sinon j'interviewerais ROID, HORFÉ ou ASKEW...
Pas de photos non plus, parce que pareil, tu demandes une fois, deux fois...et t'as pas de réponse...alors comme pour RCF1 et SLICE on a eu le droit a une quasi hagiographie vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Pour SABRE bah fallait être là à l'époque hein, qu'est-ce que vous voulez qu'j'vous dise ma bonne dame.
***RCF1***
Dans une vidéo, il y a quelques temps déjà, tu parlais de ta préférence d'utilisation pour le cap d'origine. Même si je m'en souviens vaguement, ton discours m'avait beaucoup plu. Peux-tu nous faire un peu de poésie/philosophie sur ce magnifique outil qui a donné nom à mon blog?
On les appelle caps d'origine parce que c'est ce qu'on trouvait à la base sur les bombes, avant que le marché des caps ne se soit développé par les bombshops.
Les fatcaps se chipaient sur les bombes de Décap'four, les softs sur les laques L’Orèal, on testait puis on les entretenait parce que c'était un outil précieux.
J'ai appris à peindre avec ces caps d'origine, bruts, il faut acquérir des gestes précis et rapides pour dominer cette force industrielle de la peinture en bombe.
A mon avis toute l'esthétique et la dynamique de l'aérosol-art en découlent. Je n'aime pas quand ça ressemble à du vectoriel, les caps d'origine ou le fatcap c'est la bombe dans ce qu'elle a de plus spécifique. Le fait d'avoir appris à peindre avec des gammes de couleurs si limitées comme les bombes Altona, rétrospectivement c'était une bonne école, il fallait se creuser la tête pour faire concorder un seul rouge avec deux bleus, un clair et un foncé, deux jaunes dont un translucide... On apprend en se confrontant à des contraintes, souvent.
Je suis on ne peut plus d'accord avec toi. Pour moi le skinny Montana a tué le graffiti. Tu regardes le graffiti actuel?
Je consulte peu d'images en général, je veux dire, je lis toujours en boucle les vieux livres que j'aime. J'ai toujours mes vieux Jack Kirby, Doctor Seuss, depuis l'enfance. Je suis très attaché à mes racines culturelles.
Aujourd'hui j’observe les graffitis que je peux voir directement dans la rue mais je ne cherche plus à tout prix à savoir dans des revues ou sur internet ce qu'il se passe dans le monde. Un peu saturé en fait. J’avoue que je traverse des périodes sans.
En quoi la musique influence-t-elle ton art pictural?
Mon nom d'artiste est une référence à la musique, RCF1 pour Rudie Can't Fail des Clash, avec une référence aux rude boys des années soixante. Je ne peux pas séparer le background mod/suedehead de ma peinture, ça transparaît certainement à différents niveaux je pense. Avant même de faire du graffiti j'étais complètement porté par ces cultures urbaines d'origine, naviguant entre les tribus de punks, skinheads, mods, entre les concerts et les soirées, quelles fringues porter pour se détacher du monde "normal", quelle bande intégrer et lesquelles éviter...Une authentique culture de la rue, il n'y a pas plus dandy que ces tribus.
Dans les années 90 avec HONET, POCH ou SHUN on cherchait de nouveaux styles qui se détachent des lettrages new yorkais, j'avais beaucoup puisé dans les fontes sixties type "garage" pour ma part.
Sur toile j'adore le format carré comme une pochette de vinyle, et je fais souvent référence à des chansons que j'aime, comme pour me les approprier. Comme je ne sais pas jouer d'instrument, c’est surement une façon de compenser.
Un de mes tableaux préférés fait référence à I wanna be adored des Stone Roses qui reste sans doute un de mes titres favoris.
Mais bon, le vrai exutoire c'est de jouer comme DJ. Soirées soul, rythm'n'blues, indie, pop...
Je pensais à un truc dans le métro tout-à-l'heure, sur le côté médiatique, image, de la musique, les stars, les fans, etc. Je me disais que dans la techno au moins, personne ne sait qui est qui, et tout l'monde s'en fout, tout c'qui compte c'est le beat, la musique. Une fois que tu connais la personne, t'es forcément déçu un moment ou un autre, suivant ses "choix de carrière". Un peu comme dans le graffiti en fait. Quand j'étais jeune, j'imaginais les kings de ma ville comme des b-boys ultimes, grands, forts, pleins d'honneurs, alors qu'ils sont des êtres humains, avec leurs qualités certes, mais surtout avec tous leurs défauts. Crois-tu que moins on en sait mieux on se porte?
Bah en fait j'aime bien les rock stars, je suis assez fan dans l'âme. Les DJ anonymes ou masqués de la techno je les trouve un peu chiants au final, sans panache. J'aime bien par exemple Pete Townshend des Who quand il en fait dix fois trop. Dans les années rave j'étais content qu'il y reste des types comme les frères Gallagher qui assument justement leur statut de rock star avec toute la frime et la morgue qui vont avec. Et de l'humour surtout...Bob Dylan qui répond aux interviews avec sa propre marionnette.
Mais sinon, après oui, c'est mieux souvent de ne pas trop en savoir. C'est l'oeuvre qui compte et autant se tenir à ce que l'artiste a projeté de lui dedans, pas plus.
En ce qui me concerne c'est salutaire de garder mon intimité. Ma vie c'est des fêtes, des filles, de l'alcool puis seulement après la peinture. C'est pourtant la seule chose que je laisse voir.
Les camions semblaient avoir tes faveurs il y a maintenant presque dix ans, pourquoi?
Il n'y a rien de plus moche qu'un camion blanc, je les ai peint pour égayer là où je vis.
C'est un chouette support à peindre pour son format et puis ça circule dans la ville. Voir son nom passer en grand en centre ville, devant les monuments, dans les beaux quartiers c'est la bonne surprise avec les camions. C'est marrant en fait et c'est un des plus beaux supports du graffiti pour ça.
J'habite à côté d'un marché, j'avais vite repéré les astuces pour en faire beaucoup.
Ton film préféré?
Peut-être Le Fanfaron de Dino Risi, avec Jean-Louis Trintignant et Vittorio Gassman.
Il y a l'ambiance d'une époque révolue, une nostalgie. Pourtant les relations existent toujours entre les gens, et l'atmosphère de vacances, d'insouciance sont toujours d'actualité. C'est parfaitement écrit, filmé et interprété. Bruno, le personnage de Gassman est si parlant sur nos contradictions. Sa superbe qui masque ses blessures et ses doutes. Je me reconnais plus dans le timide étudiant romantique que joue Trintignant mais aussi dans la liberté de Bruno, le personnage de Gassman. La séquence du twist en famille sur la plage est un de mes moments préférés.
Mais bon, je pourrai tout autant parler de Dersou Ouzala(Kurozawa), de Mullholland Drive(Lynch), de Blow-up d'Antonioni, de Chabrol, de Jarmush, Hitchcock, Tati...mes fondamentaux.
Le dernier film qui m'aie vraiment touché c'est El Aura, de Fabián Bielinsky(Argentine). Je le conseille vivement!
Qu'est-ce que tu penses de la jeunesse actuelle?
Je suis toujours jeune, je n'en sais rien, je manque de distance. Peut-être que je serai en mesure de répondre dans vingt ans.
Ne crois-tu pas que la libéralisation au sens global (des moeurs, des échanges, etc.) "grillent" la jeunesse actuelle? J'ai du haut de mes 30 ans connu une époque où la rareté des communications et des choses était plus présente. Aujourd'hui j'ai l'impression que les jeunes ne kiffent rien vraiment, car ils ont tout.
On dirait qu'on a accès à tout par le biais d'internet mais à mon humble avis au final on se trompe .
Télécharger des films, de la musique, ça donne juste envie de l'expérimenter en vrai dans une salle de cinéma ou dans un concert. On ne connait bien que les choses qui demandent un effort pour les acquérir, en cherchant le livre, le disque, en voyageant pour ça. Le reste c'est du zappé, de la culture de surface.
Tu peux voir toutes les oeuvres de FUTURA 2000 en quelques clics et tu penses les connaître. Puis un jour tu en vois une, en vrai, tu la regardes de près et tu réalises que tu n'avais encore rien vu. Ne pas oublier que la peinture convoque l'émotion. En général ça passe mal la barrière de l'écran. Comme une pièce de théatre filmée...
Est-ce que c'est pas ça qui manque le plus aujourd'hui? Voir le graffiti en vrai? J'veux dire, j'suis même pas sûr d'avoir déjà vu un truc à toi en vrai! Mea culpa...
Je ne te félicite pas!
Sans rire c'est un peu normal, le graffiti c'est éphémère. Mais je vois ce que tu veux dire. J'ai déjà passé des heures à chercher des graffs, à prendre des photos sur les voies ferrées, les terrains perdus...Aujourd'hui c'est en ligne immédiatement, du coup on les remarque moins parce que c'est moins précieux...
Tu te sens bien dans une galerie d'art? Enfermé, avec des contraintes, l'obligation d'un fil conducteur?
Je ne m'y sens pas enfermé, au contraire c'est une chambre d'écho. Du moins je fais attention avec qui je travaille. J'ai toujours été vigilant sur les marges de manoeuvres de ma création, à ne pas m'enterrer dans un genre une fois pour toutes, labelisé à vie. La contrainte nécéssaire c'est de voir son travail évoluer, s'affiner, matérialiser ce qui n'existait pas. Ce que j'ai déjà fait je n'ai pas envie de le refaire tout simplement. Une bonne galerie c'est un allié dans ce sens, pas une barrière. J'ai appris à aimer l'art très jeune, dans les musées. J'ai fait des trucs dans la rue mais avant tout...J'aime la peinture avec sincérité.
Que penses-tu du graffiti sur toile? N'est-ce pas une grande blague? Où sont les sentiments, les émotions? La recherche? C'est monté de toutes pièces par les galéristes et les spéculateurs non?
Il y a eu une génération de graffeurs qui allaient spontanément sur toile. Par besoin de prolonger leur activité pour la plupart, JON en est un des meilleurs exemples. Le seul truc en commun qu'on partage tous c'est une activité de vandale passée ou présente. Nos travaux ont tous pris des directions différentes, plus personnelles. J'appartiens aux graffeurs mais à la date d'aujourd'hui ma démarche dans mes oeuvres est si éloignée du graff. Même si elles en ont gardé quelques traces dans ma façon de procéder, on ne peut pas les réduire à "du graffiti sur toile".
Depuis l'expo TAG au Grand Palais notamment c'est vraiment n'importe quoi. On a proposé aux graffeurs de reproduire sur toile ce qu'ils font ou ont fait dans la rue, sur les métros...Au final ça donne une collection de noms connus mais rarement de bons tableaux. Ce ne sont pas des oeuvres spontanément désirées par l’artiste, il n'y a pas de "dépassement" recherché...
Quels sont les artistes passés ou présents qui te procurent le plus d'émotions?
Il ya tant de choses...Les modernes comme Delaunay, Fernand Léger, Miro...
Pour le graffiti ce sera PHASE 2, QUIK, les VIM...Et ZEPHYR surtout. JAY 1 continue à me surprendre. TWIST aussi.
Beaucoup de dessinateurs, Yves Chaland, Jacques Pyon, Pascal Doury, Dan Clowes, Jeff Smith...Il y en a tant. Georges Pichard reste mon idole. Plus récemment c'est Jim Woodring qui retient le plus mon attention.
Des peintres radicaux, Soulages, Alechinsky et bien sur Jean Dubuffet.
La ville la plus paisible du monde? Et la plus glauque?
J'adore Londres. J'aime bien Lyon et Rennes. J'en ai marre de Paris.
T'aurais aimé être chirurgien, sauver des vies? Crois-tu qu'on est destiné?
C'est difficile à admettre quand on parle de libre arbitre, mais oui, j'ai toujours dessiné depuis tout petit, la question de mon devenir ne s'est jamais vraiment posée.
Ton animal préféré? Pourquoi?
Je regarde régulièrement des documentaires...Récemment j'ai découvert l'existence des Capybaras! J'adore les oiseaux, avec une tendresse pour les chouettes. Je regarde les migrateurs passer dans le ciel, depuis ma fenêtre, ils s'en foutent de nos vies...
J'ai été surpris par un vol d'oies sauvages l'autre jour, volant en formation, dessinant un V quasi-parfait, elles devaient être au moins 60. Quand je vois ça je me dis que cela doit être la plus belle expérience possible, voler. J'ai fait de l'ULM une seule fois, au-dessus de l'Ardèche, c'était si grisant, si fort.
Mon totem ce serait un ours brun. Mais plus proche de moi il y a Ringo, mon chat.
Qu'est-ce qui empêche le graffiti d'atteindre réellement un statut reconnu? Son illégalité? Sa relative facilité? Merde cette "culture" a plus de 40 ans, et elle est toujours discutée comme d'un phénomène nouveau, de sauvageons adolescents.
Je ne sais pas ce que tu entends par "statut reconnu"...
Mais comme le rock c'est une culture adolescente, dans son énergie.
En fait je pense qu'on a amené une culture complétement underground, truffée de codes secrets liés à l'illégalité, vers une ouverture mainstream qui l'a finalement rendue banale.
Je pense à l'expo de la Fondation Cartier notamment. Les fanzines, les blackbooks... C'est fini le secret, j'étais un peu amer qu'on aie présenté ces ingrédients avec les oeuvres, normalement ça aurait dû rester en cuisine. On se sentait comme dépossédés de nos secrets. Mais c'est dans l'ordre de l'histoire, ça n'allait pas non plus durer toute la vie.
En fait on est reconnus mais souvent pas pour les bonnes raisons. On associe en galerie des artistes si éloignés les uns des autres simplement parce que leur outil est une bombe. Des gens qui ont peint floppée de trains, des styles pas possibles de créativité, mis au même niveau que des petits arrivistes qui ont collé trois sérigraphies dans les rues galéristes...En fait on s'est fait niquer je pense.
En 1991 j'interviewais DONDI, PHASE 2, LEE, etc. pour le premier magazine lié au graff en kiosque, 1TOX. Il y a dix ans avec LEGZ et Silvio Magaglio on faisait "Gettin'Fame", 35000 exemplaires vendus en trimestriel, etc. On s'organisait de nous mêmes, que ce soit les MAC avec le festival Kosmopolite ou les DVD comme Dirty Hands, auto-produits qui se faisaient une place en rayon à la FNAC. Etc, etc.
Aujourd'hui les experts pour le public c'est Magda Danysz ou AD Gallizia, pas nous. Tout le monde fait comme s’il avait oublié tout ce qu'on avait défriché en amont, pour conserver son statut auto-proclamé d'expert. C'est la vieille mentalité bourgeoise qui fait que quand un architecte parle à notre place on le prend plus au sérieux parce qu'il est architecte. Même s‘il ne serait pas foutu d'apprendre à aboyer à un chien, il sera toujours plus écouté des medias qu'un graffeur.
Moi j'emmerde tous ces cons, et si je les voyais en face je leur dirais. Pourquoi des mecs qui se disent hardcore, puriste, machin, copinent avec des gens pareils?
Quand tu rencontres ce monde et qu'on te propose de t'exprimer, te fournit des moyens, etc. tu ne peux pas d'avance savoir sur quoi ça va aboutir. Tu tentes ta chance. Moi j'étais déjà en galerie quand il y a eu ce grand boum et j'avais un petit parcours, une petite expérience qui m'a permis d'aiguiser ma vigilance...
Après ça n'empêchera jamais le graffiti d'exister dans sa forme pure sur des trains ou des camions ou des murs...
Puis bon, au final, quoiqu'il en soit ce sera les oeuvres qui resteront. On oubliera le buzz et les gens qui l'ont monté.
Le côté cool c'est qu'énormément de livres sortent depuis quelques années partout dans le monde, et que les Histoires du graffiti s'écrivent petit à petit, et même si je suis de Lille et que je n'ai pas rencontré 95% des mecs sur lesquels je m'extasie, j'ai l'impression d'être ami avec eux, de partager quelque chose...j'ai tort?
Je ne sais pas te répondre... Si tu te poses la question c'est déjà que tu en as le sentiment. En tout cas tu partages cette passion.
***SABRE CVC/DBA/ADK***
Où et quand as-tu commencé et qui t'as mis ta première claque visuelle?
Alors début en 1990 avec mon tout premier blaze(ANTIK) rencontre avec HECT à Clamart dans les Hauts-de-Seine c'était un mec de mon bahut, premiers gueutas dans le stade de Clamart derrière des palissades en fibro dans ce même bahut je rencontre IDER c'est lui qui m'a trouvé mon gueuta il avait déjà posé en trois lettres(DET) moi j'ai rajouté une lettre ce qui a donné DEYT puis DEYTER, avec lui on a formé un bon binôme sur la ligne B du RER. Avec lui je fonde le CVCrew ,la même année rencontre avec GRAVE, MER.T et EXTRA qui me fait rentrer ADK.
(ndr: CVC pour "Ca Va Chier"...A peine plus tard après son passage des mecs de Roubaix ont fait CNC, avec juste une petite barre en plus du "V", ça m'paraissait gros...Surtout étant donnée la proximité géographique! Roubaix!)
1992 rencontre avec CELEST que je fais rentrer CVC, avec qui j'ai pas mal marbré la ligne A et B, les rues de Paris...93 c'est la période où on rentre tous les 2 WA(Wild Animal), dédicace à ELOY, URSA, NAKIE, AKIZE et bien d'autres.
Ma première claque visuelle...il y en a tellement, les gueutas de DEGRÉ TCP au fat-cap dans ma gare(RER B Bagneux), le graff de MAMBO avant Denfert-Rochereau direction St-Denis toujours sur la ligne B, et le quai abandonné de la place qui était rempli de graffs, etc.
Quand tu es arrivé à Lille comment c'était?
Je suis arrivé à Lille en janvier 1994, alors déjà première impression...un gros choc thermique puis quand j'ai vu le tramway(le mongy) pfff j'avais l'impression d'être Mc Fly dans une nouvelle version de Retour vers le passé et puis le tramway a changé et il s'est modernisé mais dans l'ensemble, j'ai trouvé Lille trop petit, mais c'était normal comparé à l'immensité de Paris. Bref je me suis finalement habitué à la région mais pas à son métro! Au départ j'ai cru que c'était une blague une vraie savonette, mais il était à la taille de Lille! En tous cas les gens du nord ne m'ont jamais déçu.
Comment as-tu rencontré les DBA? Et les DSP?
Alors pendant l'été 1994 j'ai rencontré TERS, HAKER, ASPIK, NUMA, SLEEK et j'suis d'abord rentré LC, Lascars Clan, on a fait pas mal de rata ensemble, de sortie chirdés le 15mm blindé de Corio que j'avais ramené de Belleville, les bidons blanc d'un litre(noir et fushia) on avait notamment ruiné le siège de Transpole.
En suite j'ai fait une formation à Tourcoing au CFA où j'ai rencontré TOXICK, on a tout de suite accroché! Le week-end suivant on était en train de peindre ensemble avec 2 potes de Paname qui était descendus chez moi, c'est le fameux block edf!!!
(ndr: j'dois avoir une photo papier de ce block EDF qui avait fini sa carrière sur le chantier des Galeries Lafayette presque 10 ans après...)
Les mois qui ont suivi j'ai passé beaucoup de temps chez TOXEACK. Mais je m'étais fait serrer avec SEKANS alors j'ai posé SABRE, et naturellement c'est faite la présentation de tous les mecs qui posaient dans la zone de Roubaix! APLICK, SPECIO, RODER, STEIN aka CEZAR, ENYGM aka DEEMO et la naissance du DBA CREW!
Pour les DSP j'étais le voisin du meilleur pote de KORBO, après j'ai rencontré LEKSA, DERAW...et d'autres désolé si j'oublie des noms! En tous cas je pense que c'est moi qui les ait engrené dans le gueuta parce que moi j'étais pas trop skate...
Je ne voyais que des tags à toi à l'époque, et avec 15ans de recul je me rends compte à quel point tu as influencé un grand nombre de personnes dans le coin. Qu'en penses-tu avec ton recul?
Parce que comme à Paris le but c'était de kiffer en passant devant, donc souvent on prenait des places stratégiques et puis niveau scène graffiti, tags c'était quand même le grand désert à part les gens que je cite le Grand Boulevard était assez clean dans l'ensemble, un peu de SLEEK, ASPIK, mais pas beaucoup plus donc quand tu vois un gros gueuta au fat cap ça marque je pense, si j'ai pu participer à une émmergence de futurs gueurtas j'en suis plutôt fier, c'est ça que je voulais d'où mon affection pour le changement de blazes: DAYTER, SEKANS, SABRE, HORER, BONUS, POAS...enrichir la scène graff pour donner envie à d'autres de se lancer dans la bataille du gueuta qui jusqu'à là n'était pas à la hauteur de mes espérances. Donc j'en pense que du bien mais si j'ai autant influencé de personnes c'est je pense pour mon flow parisien et c'est vrai que beaucoup regardait vers Paris pour la scène graffiti, mais je m'en rendais pas trop compte à l'époque. Dédicace a DEAMO qui m'a cité dans Cap Nord dans son interview.
(ndr: HORER, ça c'était du blaze, j'en ai vu p'têt que 3 ou 4, mais qu'est-ce que j'kiffais, j'ai une bonne photo pour toi normalement, faut qu'j'la retrouve, toi et moi en connexion avec 10 ans de décalage!)
Pourquoi avoir arrêté?
Bah disons que j'ai quitté la région après 7 ans de vie dans le Nord! J'ai aussi perdu un peu l'attrait pour tout ça(le graffiti)! J'ai fait pas mal mon nomade et pas mal galéré de région en région mais comme tu le sais c'est dans les vieux pots qu'on fait les bonnes soupes, donc tel un phénix 2010 renaissance c'est reparti au moins pour 15 ans!
On parlait de rayures(griffes) dans le tramway, et tu m'as dit que TOXICK et toi aviez été les premiers à en faire, comment est-ce arrivé?
En fait ça se faisait déjà sur Paname et à force de faire des voyage Lille-Paris pour chercher des skeuds, à notre retour on a inauguré le tramway Lille-Roubaix-Tourcoing, à notre retour dans le Nord avec des petites pierres proche du silex et ça griffait bien! On savait que ça perdurait dans le temps.
Ta typographie est très calibrée, elle rentre toujours dans un rectangle, les lettres sont toutes de la même taille, volontaire ou non?
J'ai commencé à une époque où on toyait pas des masses donc j'ai toujours eu le souvenir de voir des graffs bien calés les uns après les autres, et aussi il y avait la volonté d'être visible, lisible et stylé comme quand tu peins sur un métro tes lettres partent du bas de la carrosserie. Et puis peut-être parce que je suis plus un taggueur qu'un graffeur à la base et même le tag doit être exécuté quand même de façon homogène et de façon très horizontale, de telle sorte que tu pourrais presque tirer un trait...la rue mon cahier!
Que penses-tu du graffiti actuel et quels sont tes "goûts"?
Le graffiti actuel est un peu trop uniforme mais c'est dû au monde actuel, internet, l'accès à des styles en vogue, et les phases qui tuent sont vite reprises, le flow d'untel ou untel est vite pompé. Je pense aussi que les nouvelles générations ne grattent pas assez de papier à mon goût, ils ne travaillent pas assez leurs leusts, comment ce fait il que certains font des graffs très stylés et que leurs signatures ne sont souvent pas à la hauteur de leur prods? Moi ça me choque.
Mes gouts c'est lettrage simple stylé et lettres qui swinguent du genre qui pète au premier regard! J'suis pas trop wild-style, j'aime aussi l'humour dans les lettrages, les persos, b-boy, les références aux Vaughn Bodé, les couleurs qui claquent...en fait l'ambiance des vieux métro new-yorkais!
Toi qui a connu les 2 scènes, quels sont les qualités/défauts de Paris et Lille?
Alors pour les qualités de la scène graffiti de Paris je dirais son réseau de transport qui est un très grand terrain de jeux, et qui a permit à beaucoup de générations de gueurtas de s'exprimer mais je pense par contre qu'à Paris on est un peu trop nombrilistes, par exemple moi en arrivant a Lille je ne savais pas que l'on parlait Ch'ti! Les "ch" et les "k" grosse galère pour moi, donc je pense qu'à l'époque Paris était un peu trop renfermé sur elle-même, maintenant c'est un peu différent beaucoup sont partis dans d'autres régions et donc l'échange a permit de montrer aux parisiens qu'il existait autre chose que Paname!
Pour Lille je dirais que la qualité de Paris c'est le défaut de Lille, à savoir son réseau de transport même s'il y en a un correct ! Mais pour moi ça ne m'a pas plu! Bref c'est un peu comme si tu mettais un lion en cage au lieu de le laisser dans sa savane, il est vite à l'étroit. Mais par contre la scène nordiste était peut-être beaucoup plus saine, comme elle était plus petite il y avait moins de
guéguerres, j'ai pu me rendre compte que ça avait un peu changé malheureusement!
Une question pour moi?
Je voulais savoir ce que tu pensais du fait que suite au graff SEKANS en chrome j'ai été condamné à quarante d'heures de T.I.G. et j'ai donc repeins beaucoup de EDGE et d'autre vieux gueutas, pas trop dégouté c'est autant de spectre que tu ne retrouveras jamais!
Ah ça fallait pas m'en parler! J'suis tellement québlo que tous les jours ou presque je regrette de ne pas avoir pris plus de photos, et pourtant j'en ai un paquet...mais j'aurais tellement aimé vivre Lille en direct de 1985 à 1995...
***SLICE
Comment as-tu "appris" à choisir les bonnes bombes, les bonnes couleurs?
C'est plutôt les supports qui nous ont appris à choisir les bombes:
- de la peinture résistante et surtout couvrante pour les voies de banlieues, les Quais de Seine, les tunnels...Principalement du Chrome car on n'avait pas trouvé mieux pour recouvrir les surfaces sales, non-apprêtées, les murs qui boivent, etc.
- sur les métros , de la peinture plutôt épaisse avec pas trop de solvant pour éviter les coulures sur les carrosseries.
- et pour les terrains ce sont plutôt les couleurs qui primaient, même si la qualité de la peinture n'était pas incroyable, si la couleur nous plaisait alors on essayait de la taper( ex. le Prune Osha Krylon...mauvaise qualité mais une couleur mortelle pour des effets, des fonds, etc.)
Je confirme pour le Prune Krylon...
Ça nous a pris pas mal de temps pour apprendre à connaître les bonnes bombes et les caps aussi, mais quand tu prends des risques sur un plan interdit et que tu te retrouves avec un graffiti fantôme complètement absorbé par le mur et quasi invisible à cause d'une peinture de merde, crois-moi tu fais un peu plus attention à ton matos!!!
Quelles étaient tes favorites?
Krylon, Buntlack, Auto-K ces trois là loin devant les autres...après on utilisait aussi des Sparvar, des Altona, etc. mais c'était pas la même division.
Passer d'une Buntlack à une Julien Décor, c'est comme passer du Barca à une équipe de CFA, j'aime bien la coupe de France mais pas tous les jours..!
Cherchiez-vous les bombes les plus anciennes ?
Non.
Et pourquoi? Elles étaient pourtant sensées être plus qualitatives, notamment les jaunes(avec les normes interdisant le plomb...)
Avez-vous tout de suite vue la différence de qualité des Krylon à partir de 1991?(quand la société a été racheté par Sherwin Williams, et que la "recette" a été changée)
Oui et notamment sur le noir mat qui est devenu merdique, en revanche certaines couleurs ont gagné au change et la palette s'est étoffée avec l'apparition des couleurs pastels.
Quelles étaient les techniques pour être propre? Était-ce un but?
Oui c'était un but d'être propre et on se charriait entre nous quand quelqu'un foirait un contour, on se mettait la pression à savoir qui allait être le plus nickel...tout ça n'avait qu'un seul but: se marrer entre nous sans jamais nous prendre au sérieux.
Hormis la recherche de cap toujours plus précis, on n'avait pas de techniques particulières, c'est plutôt des sensations que tu acquières à force de peindre et qui te rendent plus précis, plus fluide, et donc plus net.
Avec le recul, j'ai sans doute eu tort de n'avoir explorer à l'époque que l'aspect propreté dans les contours car les possibilités qu'offrent l'utilisation de la bombe sont plus vastes et le côté un peu "flou" dans les traits est parfois super stylé aussi...mais j'ai pas dit mon dernier mot!
J'ai du mal à imaginer comment était l'ambiance vol à Paris à la fin des années 80-début 90...avec le nombre de mecs qui s'y adonnaient, comment les plans n'étaient pas ultra-cramés?
Mais les plans étaient ultra-cramés !!
Il y avait des vigiles, les bombes étaient parfois sous vitrines fermées, on se croisaient entre taggueurs dans les magasins en faisant semblant de ne pas se connaître...Bref c'était le bordel mais on y arrivait quand même, je ne sais pas comment!
On se tirait la bourre avec d'autres crews et chacun inventait des phases pour pouvoir sortir des bombes(commandes avec faux coursier qui venait récupérer la peinture, double des clés des vitrines, etc...)
Et puis il y avait la MAC, LA VESTE du gueurta: les sacs étaient grillés, souvent fouillés et avec la Mac on pouvait sortir une quinzaine de bombes sur nous tranquille. Tous les plus grands défonceurs de Paris avaient une Mac(ou plusieurs!) et le Vieux Campeur(le magasin) s'en souvient encore!
As-tu eu des soucis de santé particulier à cause des sprays?
Non jusqu'ici tout va bien.
La pièce "HANES", c'était par rapport à la marque de t-shirts? Je n'ai jamais eu de t-shirt aussi bien coupé depuis cette époque alors ça me parle. Blanc, simple, résistant, stylé.
Le HANES correspondait à une période ou j'avais eu des soucis avec la justice pour graffitis et donc je changeais de nom régulièrement(SHEMA, SINUS, etc...)
Le choix des noms se faisait en fonction des lettres que j'aimais bien mais aussi parfois comme un hommage...
Par exemple PUCHO par rapport au groupe de jazz Funk "Pucho and the Latin Soul Brothers" et Hanes effectivement un petit clin d'oeil au t-shirt.
BANDO était une grande gueule, la moitié du graffiti français le déteste, quel est ton point de vue?
Même si je ne partage pas certaines de ses déclarations , je n'ai jamais dit du mal de BANDO et je ne vais pas commencer maintenant.
On a peint ensemble, on a péta de la peinture ensemble, on a passé des journées entières à dessiner chez lui, à écouter des disques de Funk...que des bons souvenirs...
J'ai su assez tard qu'il était à l'origine du label Daptone, et je dois dire que l'un de mes disques fétiches, que j'ai entendu en soirée et que j'ai mis 2 ans à trouver(j'avais filmé un mec en train de danser comme un ouf, et je regardais la vidéo tous les jours, je la faisais écouter à tous les spécialistes de la Funk que je connaissais, bref c'était une quête haletante) est sur ce label. C'est Joseph Henry, Who's the king. Bref tout ça pour que tu me racontes un peu plus de choses sur cette passion que vous aviez en commun.
3 noms qui mériteraient d'avoir plus de reconnaissance 20 ans après?
Il y en a trop pour n'en citer que trois ...