jeudi 26 août 2010
mardi 24 août 2010
"L'important c'est de durer"
Les sports d'endurance me plaisent beaucoup, me calment parfois. Ils requièrent une concentration purement personnelle, rien de collectif. Aujourd'hui, je fais beaucoup de vélo, j'ai arrêté la course à pied car j'ai de gros problèmes de dos, mais j'adorais ça.
Les sports d'endurance, quand t'es en cm1, ça fait franchement chier.
J' habitais une résidence au pieds des tours St-Maur, quartier à cheval entre Lille et La Madeleine. J' étais en classe pas loin. Du coup on allait courir pas loin non plus, rue de Valmy. En seize ans, le principe n'as pas bougé d'une semelle : il s'agit de courir à la même vitesse, en bordant les 4 cotés du parc (quand t'as de la chance, car il existe des parcs à 5 cotés) .
Avec deux/trois gars, on avait trouvé le subterfuge adéquat : se jeter dans les buissons de droite, ce qui est encore aujourd'hui, le meilleur plan de guerre qu'il m'ai été donné d'observer. Sur des palissades mal propres, se tenait à ma petite hauteur des mots, des noms, des revendications (marre de courir?) ? Plusieurs couleurs également, et je pense que c'est ce qui m'a marqué en premier : si plusieurs couleurs il y avait, ces mots n'avaient en principe aucun rapport les uns aux autres, et n'avaient peut être pas tous été fait le même jour. Je me souviens avoir longuement pensé à ma découverte, je me demandais ce que c'était, et surtout pourquoi à cet endroit. C'est comme si tu lisais un gros livre, avec beaucoup d'image, et qu'en le refermant tu y voyais, en bas, en petit, sur la quatrième de couv' que tu aurais regardé par hasard, un petit mot, seul, et que tu ne sache pas lire.
Ca m'angoissais.
Il n'y en avait nul part d'autre, du moins dans mon itinéraire quotidien de p'tit de 9 ans.
L'année d'après, j'était retourné quelques fois sur ma découverte, mais mon père n'aimait pas trop ça, il y avait pas mal de toxs dans le coin à cette époque, donc des seringues derrière des buissons, du coup non seulement je n'y allais plus, mais en plus je commençais à faire l'étroit lien "seringues - drogués - écriture bizarre derrière les buissons".
Ca m'angoissais.
CM2, fin d'année. Je viens de me prendre tous les râteaux conventionnels des derniers jours d'école. en plus j'vais aller au collège, nouveau quartier, nouveau tout. On est dans la Ford Fiesta, ma mère et moi, direction Mons-en-baroeul, pour aller faire des courses. Sur le parking, à coté d'un "christian je t'aime, cri-cri d'amour", un graffiti. Je ne fais pas tout de suite le rapport entre les tags que j'ai vu dans les buissons l'année précédente, mais j'ai là, sous les yeux, quelque chose d'inouï. La grosse claque de ma vie (si on oublie celle que je prend dans la gueule une demi heure après pour avoir volé des mi-chocos). Mon cerveau s'est pas mal endommagé depuis, je ne sais ni quel graff c'était, ni ses couleurs, ni s'il y avait des persos... Je n'ai qu'un sombre brouillard de ce jour là. Je ne me souviens plus également de quand s'est faite en moi l'idée qu'il y avait un rapport entre les graffitis et les tags.
Ca m'angoisse moins déjà...
Mes grands parents avaient un magasine Géo chez eux. Un seul. Il parlait de New York. Bing. La suite est assez simple à deviner...
"Ces merdes??? c'est des trucs de drogués!"
Mon grand père a du tact; quand je lui demande ce que sont tout ces tags dans une rame de métro. Quelque part, en plus, il venait d'appuyer la thèse que mon père m'avais soufflé un an auparavant.
Je les ai recopiés des centaines de fois, faisait varier les couleurs, étendais les formes, rajoutais des signes, et toujours pas de fixe d'héro. J'avais compris le truc, et je commençais en allant au collège à La Madeleine en vélo, à en voir d'autres, je prenais des chemins différents, pour en voir d'autres encore. Réellement, je ne me suis pas posé la question de savoir qui les faisait, s'il n'en existait qu'un , si le mec était une star ou une merde. La seule chose qui m'importait à l'époque, c'était...les meufs.
Edge. Le premier que j'ai su lire. Pas difficile. Les guettas énormes "EDGE LE SAINT" sur le grand boubou. J'ai pris mille photos. J'en ai plus aucune.
Puis ceux des DSP, je n'ai pas compris la notion de crew, on me l'as expliqué : un mec dans ma classe était le petit frère ou le cousin d'un des tagueurs. DERKA NITRO SAXO LEKSA KORBO, c'est mêmes blases que je retrouvais dans mon quartier, aux cotés des ASPEAK SLEEK STONE PONES KAISER... Quand on descendait plus bas dans le quartier avec mon frère et nos bi-cross de supermarché, je prenais aussi des photos des tagueurs de Rouges-Barres, des SMOXES, surtout, ENZO BECK EDGE ... je ne me souviens pas avoir vu DUKE SPEK PROZE ou d'autre à l'époque, et rien de la scène Roubaisienne, pourtant ils étaient bien là, mais mes souvenirs sont mal traités. Plus loin, coté pellevoisin, CEPIA, SAGE, TERS... Eux ils étaient très fort, j'aimais à fond ceux de CEPIA.
Il y avait un mur qui donnait sur la voie ferrée, à Marcq. MONRON et NESTA. J'crois bien que c'été ça. En 1997, j'allais le voir tout les jours, j'ai parié que je pouvais le dessiner de tête après tout ce temps. Il était géant, pour le gosse que j'étais du moins.
Je ne suis jamais allé sur Lille également. Pour les mêmes raisons que Roubaix : loin, angoisse. Beaucoup te le diront, St-Maur, c'était LA plaque tournante des tagueurs du coin, il y faisait bon vivre, des tours, des caves, le terrain vague pour jouer au foot, avec le gros KIPSA dans le fond, des meufs....
Mes premiers tags, je les ai fait là bas, j'ai eu plein de noms différents la première année, puis comme j'écoutait du rap, je lisais chez le libraire RADIKAL. Je pensais être un génie quand j'ai crée mon nom, qui me suivra pendant de longues années, en mélangeant les lettres de RADIKAL, je trouvais toutes mes lettres pré-faites dedans, car des mecs skétchaient le nom du magasine. Easy. Bouffon surtout, mais il fallait que jeunesse se fasse je pense.
NASTE D6PLE ( que j'ai prononcé "désisspleu" jusqu'en 2008,avant de voir une grande lumière...)DERAW AXE... j'en vois sur le grand boulevard, des TOXICK, RODER, je comprend que la scène tourne, que des gens arrivent, que d'autre partent. Avec Kaiser, mon meilleur acolyte de l'époque, on regarde les book des DSP, les mecs avaient dix ans d'avance.
On fait des tags avec eux, des graffitis. On fume, on boit. Kaiser lui de son coté, crée le HSC, et on est quand même pas mal présent dans notre ville. A notre échelle en fait. Je fais mes propres graff, je ne pompe plus, je suis sage.
C'est aussi à cette époque qu'on a connu le pont derrière le lycée Pasteur. Plein de graff, de tags. Y'avait aussi le tunnel du tram, le SLEEK en marron, qui est resté au même endroits pendant tant de saisons.
J'ai déménagé, ultra angoissé.
J'habite plus près maintenant d'un autre quartier, le feu Square des Vosges, et Pastour. J'ai plein de connexion là bas, et il y'a surtout la gare de La madeleine en bas. Il y avait CREZ, NOSE, FABE, SLEEK, SARK, on faisait des tags dans le quartier, et surtout avec les deux premiers, on allait faire des bâches. C'était super tranquille à cette époque, on en faisait tellement sur une heure de temps qu'on ne savait même plus quoi faire. On devait certainement d'ailleurs faire de la merde. Puisque qu 'on avait qu'une bombe chacun. Sleek m'impressionnait, je l'avait pourtant rencontré avant dans des circonstances moins drôles. Le mec faisait du BMX super bien, il était aussi DJ, ces tags c'été un peu la relique dans Indiana Jones, bref c'était assez dingue. J'crois que c'est le meilleur souvenir graffiti que j'ai. Les LSD venaient aussi un été faire des bâches à la gare, et leurs graff étaient dingue, avec des persos, beaucoup de couleurs... Ces mecs là on les retrouvais à P38 le samedi après midi, on leur montrait nos sketch en espérant qu'on s'était amélioré.
J'ai grandis, et j'ai arrété à moitié, on a bien fait quelques trucs, mais rien de grandiose, c'été surtout être avec des potes et faire juste quelques graff. bonne époque aussi. Puis je ne me suis plus intéressé au truc.
J'en refais, depuis trois ans, ça revient, comme c'était parti. Le graffiti n'a jamais était un exutoire, ni une passion.J'en ai même rien à foutre pour te dire la vérité. J'ai toujours eu d'autre priorités en fait. J'ai beaucoup changé depuis l'endurance à l'école, des choses et des gens sont apparu, et d'autres disparu. Par contre, bien qu'il ne soit pas le reflet de mon amour-propre, le graffiti me suivra dans la tombe.